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Claude Chiasson
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© Mise à jour le 7 septembre 2014

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Collection Les Génies de la musique, CD No 11: Sortilèges du poème symphonique
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 Pièce 
Compositeur / Interprète
 Titre 
        Le poème symphonique, né avec le romantisme et avec Liszt, répondait à une double nécessité: d'une part, trouver une structure plus libre et plus malléable, qui épouse mieux les caprices de l'inspiration, d'autre part charger la musique d'un message. Les Slaves y trouvèrent la forme la plus propice - car moins soumise aux traditions occidentales - à l'expression de leurs thème historiques et de leurs légendes, tandis qu'en Allemagne Richard Strauss y apportait toute une richesse du grand orchestre symphonique moderne. En France, cependant, des compositeurs comme Saint-Saëns ou Paul Dukas, en réaction contre les prétentions philosophiques du poème symphonique, cultivaient la pure perfection formelle en d'exquis et spirituels petits tableaux.
Guide d'écoute
 
   01 LISZT
Les Préludes
En 1845, Franz Liszt accepte des fonctions officielles à la cour de Weimar. Ii a trente-quatre ans, et la gloire ne lui à rien refusé. Adulé comme enfant prodige puis comme virtuose (et surnommé la huitième merveille du monde), il a créé une nouvelle et éblouissante technique pianistique, inventé les tournées (parcourant toute l'Europe dans une fastueuse roulotte), les récitals consacrés à un seul musicien. II ne manque pas même à sa célébrité le parfum du scandale depuis que la comtesse Marie d'Agoult a abandonné mari et position sociale pour le suivre, lui donnant trois enfants. Une liaison tumultueuse et passionnée qui n'avait pris fin qu'en 1844, la comtesse ayant été supplantée par la tapageuse Lola Montès, puis par d'autres beautés fameuses.
Une autre époque s'ouvre à Weimar. Français par la culture, hongrois par sentiment, Liszt se découvre une âme allemande, et sa musique va offrir l'éblouissante synthèse de ces diverses sensibilités. En 1847, il a accompli sa dernière grande tournée en Russie, et c'est là qu'il a rencontré la princesse Carolyne de Seyn-Wittgenstein dont la forte personnalité l'a subjugué. Cette femme à l'intelligence hors du commun, que son immense fortune met à l'abri des conventions, aura la plus heureuse influence sur son œuvre, puisqu'elle l'encouragera à renoncer aux succès mondains faciles pour se consacrer a des compositions plus ambitieuses. La décennie suivante sera des plus fécondes, et Liszt composera douze de ses treize poèmes symphoniques. Le titre du premier, Ce qu'on entend sur la montagne (1851), vient d'un poème des Feuilles d'automne de Victor Hugo, tandis que le deuxième, Tasso, lamento e trionfo, fut écrit pour célébrer le centième anniversaire de la naissance de Goethe.
Le troisième - et sans doute le plus célèbre - Les Préludes, fut esquissé des 1845, devant servir d'introduction au choral Les Quatre Éléments, sur des vers du poète marseillais Joseph Autran. Quatre épisodes étaient prévus: La Terre, Les Aquilons, Les Flots, Les Astres. Mais finalement, Liszt décida d'en faire une pièce indépendante. Encore fallait-il annoncer un autre < programme >. Le compositeur trouva une référence adéquate dans les Nouvelles Méditations poétiques de Lamartine, dont il plaça cette phrase en exergue pour justifier son titre: Notre vie est-elle autre chose qu'une série de Préludes a ce chant inconnu dont la mort entonne la première et solennelle strophe ?
Des l'introduction apparaissent les trois notes inquiètes et interrogatives constituant 1e motif thématique de base. Interrogation mélancolique de l'Allegro maestoso sur le sens de la vie, de ses joies et de ses douceurs chantées par une mélodie tendre et passionnée; sur le sens de la mort, destruction de tout bonheur, évoquée dans la deuxième partie - Allegro ma non troppo et Allegro tempestoso, la plus célèbre par son climat dramatique. Enfin éclate l'Allegro marziale, symbole de l'héroïque et éternel combat mené par l'homme pour comprendre et dominer son destin.
Liszt / Orchestre: de l'Opéra de Monte-Carlo, Direction: Paul Paray
 Les préludes
   02 MOUSSORGSKI
Une nuit sur le mont Chauve
Depuis toujours, Moussorgski était fasciné par les récits de sorcellerie, qui lui paraissaient liés aux traditions ancestrales de la vieille Russie. C'est ainsi que, s'inspirant à la fois d'une antique légende et de la Danse macabre de Liszt, il commença en 1866-1867 ce premier poème symphonique qui s'intitulait initialement La Nuit de la Saint-Jean. Selon cette légende, en effet, toutes les créatures maléfiques - sorcières, démons de tout acabit, succubes et fantômes des damnés - se donnaient rendez-vous la nuit du 24 juin (fête de la Saint-Jean) sur le mont Chauve pour le grand Sabbat. Sous les rayons de la lune se succédaient ainsi les danses les plus effrénées jusqu'à ce que retentissent, aux premières lueurs de l'aube, les accents de l'Ave Maria. Les esprits du mal étaient alors engloutis dans les entrailles de la terre, laissant place à une procession des âmes repentantes se dirigeant vers le Paradis.
Moussorgski aurait écrit sa partition en moins de vingt jours, mais ce génial précurseur du langage musical moderne, rebelle à la structure symphonique, heurtait trop les conventions pour être compris par son époque. Ses amis du Groupe des Cinq eux-mêmes méconnurent l'aspect novateur de cette œuvre, prenant ses audaces pour des maladresses. Aussi cette Nuit sur le mont Chauve resta-t-elle inédite, et ce n'est qu'en 1886 que Rimski-Korsakov en fit connaître une version réorchestrée par ses soins, qui prévalut en concert pendant plus d'un siècle (la partition originale n'ayant été publiée qu'en 1968). C'est cette version - dirigée par Rimski en personne - que Paris découvrit en 1889 dans le cadre des concerts de musique russe de l'Exposition universelle.
Ce qui était neuf chez Moussorgski, c'est la violence primitive, presque la sauvagerie, qui éclate des le premier thème des esprits du mal, gonflé aux instruments les plus retentissants (cors, trombones, tubas, bassons). Comme par enchantement, la clameur de cette première partie laisse place à un mouvement de danse d'une grâce naïve et innocente, repris en écho par les bois. Puis ce motif subit une sorte de distorsion grotesque, marquant le retour des forces effrayantes. Un nouveau thème apparaît, aussitôt transformé. Le sabbat a son apogée entremêlé enfin tons les thèmes en une fanfare infernale. L'orchestre tantôt sénile tantôt se calme comme une houle, créant un saisissant effet de tension dramatique.
Enfin retentit !e son pur des cloches, qui mettent fin aux déchaînements macabres et lubriques, délivrant le monde des maléfices. Un doux chant jaillit pour fêter la victoire du jour sur la nuit et la paix retrouvée.
Moussorgski / Orchestre: Symphonique de Hambourg, Direction: Pierre Monteux
 Une nuit sur le mont chauve
   03 SAINT—SAENS
Danse macabre
Camille Saint-Saëns fut lui aussi une sorte d'enfant prodige - il donna son premier concert à onze ans -, et à vingt ans il impressionna Liszt et Berlioz par l'étendue et la richesse de ses dons. Nul n'eut plus que lui le culte de la musique pure, an point d'en arriver parfois à un formalisme un peu stérile et académique. Mais lorsqu'il laissait parler son imagination et sa fantaisie, il nous a offert de véritables bijoux. Ses contemporains furent pourtant peu sensibles à l'irrévérencieuse ironie de cette Danse macabre créée en janvier 1875 aux Concerts Colonne.
Les douze coups de minuit, sonnés par la harpe et les cors, donnent le signal de ce fantomatique et grinçant sabbat. La mort parait et accorde son violon pour jouer un air de danse, entraînant dans sa grimaçante sarabande le cortège des squelettes, tandis que le xylophone, moqueur, nous fait entendre un cliquetis d'os (c'est le fameux zig et zig et zag qui revient en refrain dans les quelques vers servant de programme à ce court poème symphonique). Vient ensuite un second thème plus lent et plus mélancolique, en forme de valse lente, qui va dégénérer en une parodie du Dies irae. Enfin, au chant du coq (qu'interprète le hautbois), l'aube met fin à la grotesque farandole. Liszt admirait tant cette Danse macabre qu'il en écrivit une transcription pour piano.
Saint-Saëns / Orchestre: de l'Opéra de Monte-Carlo, Direction: Paul Paray
 Danse macabre op40
   04 RICHARD STRAUSS
Till Eulenapiegel
C'est en 1894-1895 que Richard Strauss composa ce poème symphonique sur le mode picaresque, dont le titre exact peut se traduire par Plaisantes farces de Till l'Espiègle d'après l'ancienne légende, en forme de rondeau. En fait, Eulenspiegel signifie littéralement <miroir aux chouettes>. Toutefois ce nom a donné naissance au mot français <espiègle >, par référence au caractère facétieux de ce héros semi légendaire qui est d'origine allemande et non pas flamande comme on le croit généralement. Eulenspiegel était probablement le surnom d'un bouffon vivant au XIVe siècle, qui s'était rendu célèbre par sa manière de tourner en dérision les hauts personnages. Les récits populaires en ont fait un paysan rebelle à l'autorité seigneuriale, dont les aventures sont déjà relatées dans des textes anonymes du XVe siècle. La Flandre s'appropria le personnage en le rebaptisant Till Uylenspiegel, et c'est ainsi qu'au milieu du XIXe siècle Charles De Coster, dans sa Légende de Uylenspiegel et de Lamme Goedzak (1867), en fera le symbole de la résistance du peuple flamand contre l'oppresseur espagnol.
Empruntant au rondeau sa forme avec couplets (les différentes aventures du héros) et refrain (le thème de Till, chaque fois modulé différemment), Strauss a su mettre tellement de vie, d'émotion narquoise, dans ce délicieux conte musical que les paroles sont à peine nécessaires pour évoquer les tribulations de ce sympathique maraudeur et trousseur de jupons - qui n'hésite pas même aàse déguiser en pasteur pour mieux fustiger la bigoterie.
Mais contre ce héros libertaire se trame la vengeance collective des hypocrites et des empêcheurs de danser en rond. La truculence y fait place au tragique lorsque Till est condamné à mort. Il sera pendu, conformément à sa légende. Mais la musique, comme la poésie, a le don de conférer l'éternité. Par-delà la mort reparait, invincible, la libre gaieté de Till. C'est un merveilleux plaidoyer pour la tolérance et l'indépendance d'esprit que nous invite à écouter Richard Strauss.
Strauss Richard / Orchestre: Symphonique de Radio Francfort, Direction: Walter Goehr
 Till Eulenspiegel op28
   05 DUKAS
L'Apprenti sorcier
Musicien peu prolixe, critique d'une intelligence et d'une finesse rares, Paul Dukas, encore trop méconnu aujourd'hui, reste surtout célèbre pour cet Apprenti sorcier (1897) qui n'était à l'origine que le quatrième mouvement de sa Symphonie en ut majeur (créée la même année), dont il a fait un morceau indépendant. Le thème, célèbre, est celui d'une ballade de Goethe, Der Zauberlehrling: lassé de transporter de l'eau, l'élève d'un sorcier fait travailler à sa place le balai magique de son maître. Mais s'il connaît la formule qui lui donne vie, il a oublié celle qui peut l'arrêter, et bientôt c'est l'inondation. II a beau tout tenter, rien n'y fait: même brisé, le balai se reconstitue et continue implacablement sa tâche. Seul le sorcier, à son retour, pourra endiguer la catastrophe. Le parfait équilibre de la construction, les quatre thèmes bien caractérisés et faciles à retenir, l'agilité et l'élégance et de l'orchestration ont contribué an succès de ce court poème symphonique, que Walt Disney mit en images (avec Mickey dans le rôle de l'apprenti) dans son dessin animé musical Fantasia (1940).
Dukas / Orchestre: Symphonique de Radio Francfort, Direction: Walter Goehr
 L'apprenti sorcier
   06 SAINT—SAENS
La Rouet d'Omphale
Saint-Saëns, pourtant considéré comme un ardent partisan de l'art pour l'art, aimait associer à la musique des références littéraires, des images qui font rêver au passé. A ceux qui l'en blâmaient, il rétorquait: Je vois bien ce que l'art y gagne, il m'est impossible de dire ce qu'il y perd. Références médiévales pour sa Danse macabre et références mythologiques, à la manière du XVIIIe siècle, pour des poèmes symphoniques comme Le Rouet d'Omphale (1872), Phaéton (1874) ou La Jeunesse d'Hercule (1876). Du premier, on retiendra surtout le gracieux motif du rouet, où les violons soutiennent les flûtes et les clarinettes, et l'effet comique des bassons et des contrebasses qui traduisent les jérémiades d'Hercule.
Saint-Saëns / Orchestre: de l'Opéra de Monte-Carlo, Direction: Paul Paray
 Le rouet d'Omphale op 31
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